Bien qu’ayant dormi à l’abri cette nuit, nous mettons beaucoup de temps à tout plier. Et que le temps d’étude est long pour les enfants, incapables de se concentrer. Le temps s’étire. Athanas nous avait donné rendez-vous à la ville toute proche pour qu’on puisse lui offrir un café après sa nuit de travail. Je l’appelle pour lui dire qu’on est en retard. Il arrive 10 minutes plus tard avec un petit déjeuner complet pour tout le monde. Cafés, pâtisseries, jus de fruits… mais mais mais, c’était à nous de te payer un café ! Une fois encore, subjugués par la gentillesse et la générosité des personnes que nous rencontrons.
Une fois partis, nous roulons tranquillement le long de la route nationale. C’est l’ancienne route, elle n’est empruntée que par quelques tracteurs et des automobilistes en mal de lenteur. Cela nous fait une piste cyclable de luxe.
De l’autre côté de la nationale, la voie ferrée. De l’autre côté de la voie ferrée, des grands champs plats de monoculture. De l’autre côté des champs, la frontière, mur de métal et de miradors bordés de chemins (boueux très certainement) qu’arpentent policiers, douaniers et militaires nuits et jour. De l’autre côté de la frontière, la Turquie qui met en place les mêmes moyens.
À Λάβαρα (Lavara), pause repas. Nous rencontrons Evangelos qui était tailleurs à Paris pendant des années. Il nous offre un café et nous raconte un peu son histoire. Il a plaisir à reparler français avec nous, et nous à écouter son histoire et partager ce petit moment.

Nous poussons jusqu’au village suivant, Μάνδρα (Mandra). Nous observons encore une fois un village déserté où seules quelques maisons sont encore habitées alors que les autres sont clairement abandonnées voire en ruine.
L’orage approche. Il nous faut trouver d’urgence où poser la tente et se mettre à l’abri. Après quelques recherches infructueuses, nous nous installons dans le jardin d’une maison abandonnée qui a le mérite d’avoir un abri.
Open data
Λάβαρα et Μάνδρα, le village suivant, ont une spécificité qui m’intrigue fort. Alors que les données cartographiques des alentours sont plutôt peu détaillées, ces deux village sont très précisément documentés. Organic maps, l’application que nous utilisons pour le guidage utilise les données d’OpenStreetMap. Il s’agit d’une initiative de données cartographiques ouvertes (utilisables par tous) que chacun peut modifier et améliorer. C’est ce que l’on appelle un commun numérique et c’est utilisé par tout le monde, même les grosses entreprises qui parfois pillent ces données en “oubliant” d’indiquer leur origine.
Je suis moi-même un modeste contributeur à OpenStreetMap, j’ai contacté le contributeur qui avait si bien documenté ces deux villages et il m’a expliqué. À l’époque, il jouait au jeu PokemonGo, un jeu en réalité augmentée qui se joue sur smartphone. En se promenant, on peut apercevoir et attraper des petites créatures qui apparaissent sur l’écran de votre smartphone incrusté dans le paysage réel alentours. L’application utilise les données cartographiques d’OpenStreetMap pour faire apparaître ces créatures. Plus les données sont précises, plus on a de chance de trouver ces monstres de poche. Le contributeur habitant sur place, il a pris grand plaisir à se promener dans son village et à améliorer les données durant plusieurs mois.
