L’île de Λήμνος (Limnos) est assez particulière. Elle semble préservée, encore assez sauvage. D’immenses zones sans habitations ni routes sont laissées en prairie. Quelques chèvres ou moutons paissent dans ces pâtures de luxe. Nous sommes ici à la bonne saison, les coquelicots, les cistes, le thym sauvage et de très nombreuses fleurs et plantes nous régalent les yeux et le nez.
Si l’île est ainsi préservée, c’est peut-être dû à sa situation géographique. Face au détroit des Dardanelles, elle a eu et a une position stratégique qui en fait le siège de l’armée depuis longtemps. C’est par exemple sur cette île, à Μούδρος (Moudros), qu’a été signé l’armistice de 1918 mettant fin à la Grande Guerre sur le front d’Orient, entre les Puissances alliées et l’Empire ottoman. Le développement économique ici tourne beaucoup autour de l’armée… Mais même l’armée semble être sujette à la crise Grecque, nous avons ainsi visité une base militaire désaffectée et laissée à l’abandon avec un belvédère très impressionnant donnant une vue imprenable sur les alentours. Ambiance étrange.

Cailloux colorés et sable
Isabel nous a beaucoup promenés dans son camion. Et c’est précisément à Μούδρος qu’elle nous a emmenés en premier. La pointe de Φαναράκι (Fanaraki) est un lieu de promenade magnifique où thyms sauvages, cistes et pimprenelles épineuses bordent les chemins qui mènent à un phénomène géologique remarquable. Les roches ici sont très colorées, rouges, roses, violets, jaunes, bleus. La côte est dentelée et la mer magnifique. Les plages très tranquilles en cette saison.
Des phénomènes géologiques, il y en a de nombreux témoignages ici. Nous sommes également allés visiter le désert de sable du nord-ouest de l’île. Fascinant. La visite s’est terminée par un café et un verre de raki dans la taverne de Malama, cheffe réputée et reconnue. C’est une bonne amie d’Isabel et elle n’a pas encore ouvert sa taverne, mais nous aurions envie de rester ici et de goûter sa cuisine… Une autre fois.
Plages et petites chapelles
L’île regorge de plages plus ou moins grandes. Certaines sont des bijoux. En cette saison c’est d’autant plus agréable de s’y baigner que nous y sommes seuls ! Bijoux également ces petites chapelles qui peuplent l’île, en bord de mer, sur de petites îles, dans les montagnes. La plus connue est peut-être la chapelle sans toit qui est logée dans une cavité rocheuse majestueuse. On y accède par une randonnée à couper le souffle. Non pas qu’elle soit très difficile, mais elle nous a permis de voir des paysages merveilleux.
Patrimoine archéologique
Comme sur l’île voisine de Samothrace, un culte à mystères était célébrés ici. Il n’en reste pas de vestiges aussi importants que sur le site de la célèbre Victoire, mais les restes du temple se trouvent dans un endroit absolument grandiose. Et c’est au pied de la falaise où trônait ce temple que se trouve la grotte de Φιλοκτήτης (Philoctète), personnage clé de l’Iliade. Ce général a été mordu par une vipère. Ses compagnons ne lui laissant que peu de chance de survie l’ont laissé là et ont poursuivi leur route vers Troie. Quand la légende se mélange avec l’Histoire… Toujours est-il que les compagnons d’Ulysse et d’Agamemnon ont dû revenir le chercher et l’ont retrouvé en pleine forme. Soigné grâce à l’argile exceptionnelle qui était extraite ici.
Mais l’île était occupée bien avant l’antiquité Grecque. Nous avons l’honneur de visiter le site de Πολιόχνη (Poliochni) avec l’archéologue en chef du site. Elle nous a fait une visite en Français en plus ! Habitée dès l’âge du bronze, Πολιόχνη serait la première cité connue d’Europe. Un urbanisme est en place avec une gestion des eaux particulièrement élaborée. Des techniques de soutènement utilisées bien plus tard sont également mises en évidence ici.

Nous verrons également le site de Ηφαιστία (Ifestia) et son magnifique théâtre. Son nom viendrait-il du dieu du feu et de la forge qui avait son atelier ici ? N’ayant pas eu de visite du site en Français par une archéologue, nous ne saurons pas vraiment.

Il y a aussi les grandes cuves à vin enterrées taillées dans le granit à Ρωμανού (Romanou) juste à côté de chez Isabel. Nous n’avons eu que peu d’info sur le sujet mais elles sont fascinantes (un homme y tient debout).

Pâques
La religion chrétienne orthodoxe est omniprésente en Grèce. Les célébrations sont nombreuses et très suivies. Nous sommes sur l’île au moment de la fête la plus importante des chrétiens, Pâques. Cette fête se fait en famille. Mais une voisine a invité Isabel à se joindre à sa famille. Même lorsque notre hôte lui a dit qu’elle viendrait à 6 : Plus on est de fous, plus on rit
a répondu Michalitsa. Méchouis, tsipouro, rébétiko, sirtakis, assiettes jetées et brisées aux pieds des danseurs, nous passerons un excellent moment avec notre famille d’adoption éphémère.
En Grèce (ou du moins sur Limnos), c’est sur la musique grecque que dansent les gens. Jeunes et vieux prennent plaisir à danser ces danses en cercle, simples d’apparence, et honorent l’audacieuse ou l’audacieux qui viendra au centre effectuer des passes de pieds à contre-temps tout en retombant sur ses pattes et sur le temps après son numéro d’équilibriste.
Interview radio
Nous avons été interviewés par Elias, présentateur sur une radio locale. Ne parlant pas Grec, nous avons eu le plaisir de rencontrer Martine, qui vit ici depuis de très longues années. Partie de Dijon en auto-stop, elle a rencontré son mari ici et s’y est installée. Son accent jurassien persiste encore malgré le temps passé et elle traduira nos propos aux auditeurs.
Léon a eu une phrase qui a beaucoup plu à nos interviewers : parfois c’est difficile, quand ça monte et qu’il fait trop chaud ou quand ça descend et qu’il fait trop froid, mais on sait que la vie nous remboursera plus tard
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Courses de chevaux
À Καλλιόπη (Kalliopi) se déroule chaque année une course de chevaux la semaine après Pâques. Traditionnellement, les chevaux qui sont montés sont ceux qui vivent en quasi liberté dans les immenses prairies. Autant dire qu’ils n’ont pas l’habitude d’être montés ni de courir. Les coureurs passent les uns après les autres sur un chemin bordé de spectateurs. D’autres chevaux participent désormais, la course sera d’ailleurs “gagnée” cette année par un cheval qui a certainement l’habitude des hippodromes et qui passe comme un éclair entre le public qui n’a même pas le temps d’applaudir ! D’autres chevaux avancent au pas tranquillement. Clairement, le but n’est pas d’aller le plus vite, mais d’être là. Le tout se terminant sur la place du village avec musique, danses, boissons et victuailles. Mais avant cela, un passage des chevaux et de leur cavaliers par la cour de l’église leur permettra d’être bénis par le pope et de recevoir une médaille. Nous retrouvons Christos, le fils de Michalitsa, qui fait la course sur sa belle jument blanche.