Être dans la montagne nous plait beaucoup, quand bien même c’est de la toute petite montagne. Nous sommes à l’écart de l’agitation et cela nous fait du bien. Cela nous a également fait grand bien de dormir dans notre tente en pleine nature, tous les quatre. Quel plaisir de faire toutes ces rencontres ! Mais quel plaisir aussi d’être simplement entre nous.
Nous avons atteint le sommet hier soir, ce matin, c’est la grande descente. Nous filons dans les paysages vallonnés, traversant les petits villages ruraux où les moutons broutent les bas-côtés sous le regard paisible de la bergère et de son chien qui n’a pas encore été sensibilisé par le stakhanovisme. Certaines maisons sont construites en terre crue.
Vent de boue
En regardant l’itinéraire hier, nous avons repéré un point d’eau circulaire sur la carte. Intrigués, nous avons vu qu’il s’agissait d’un gouffre jouxtant un caravanserai. Nous décidons de faire le petit détour pour nous y rendre. Les derniers kilomètres se font contre un fort vent, mais nous parvenons à parcourir les 42km avant le repas du midi. L’auberge, à l’architecture proche de celle visitée hier matin, a été bâtie à la même période, le XIIIè siècle. Comme la précédente, elle servait d’étape pour les caravanes à l’époque de l’Empire Seldjoukide. Celle-ci était en ruines et a été totalement restaurée pour en faire un musée / hôtel-restaurant chic. La rénovation a duré 4 ans et est l’initiative du gouvernement local, si j’ai bien compris. Nous sommes sous le charme et décidons de manger sur place. Le gouffre tout proche est très impressionnant et confère à l’endroit une atmosphère particulière un peu magique.
Le temps d’aller faire quelques courses et un peu de travail d’école, il est l’heure de partir. Nous nous préparons. Il y a bien ces gros nuages d’orage au loin qui nous interrogent, mais nous ne comprenons pas bien la direction du vent qui est sensée les éloigner et eux qui semblent s’approcher. Le gérant de l’hôtel nous propose de rester à l’abris, nous décidons de partir et de faire peu de kilomètres avant de poser rapidement la tente.
Au moment de partir, l’orage est tout proche, le vent vient bien dans notre direction et le ciel est d’un gris sableux. Mettons-nous à l’abris, en effet ! Je déplace les vélos pour les protéger du vent qui forcit. Le temps d’aller chercher une dernière sacoche et je suis pris par une bourrasque sableuse qui me force à me couvrir le visage et à avancer courbé. Quelle tempête ! Nous nous réfugions. La grêle arrive, les employés qui mettent le mobilier d’extérieur à l’abris en urgence sont trempés en quelques secondes.
Welcome to Obruk !
me dit, hilare, le gérant. Ce genre de phénomène est coutumier et peut arriver sans prévenir une ou deux fois par an. Combien de temps cela peut-il durer ? Qui sait ?
Pas lasse
Le gérant de l’hôtel vient me voir un peu plus tard alors que nous buvons un çai. Encore un Mehmet. Il me montre les enfants et me dit qu’il ne peut pas nous laisser repartir. Il a fait préparer une chambre, nous sommes ses hôtes pour la nuit, nous devons rester et nous n’avons rien à payer. Nous sommes totalement sidérés. Nous sommes menés à notre chambre, une grande suite luxueuse pour nous reposer et sommes attendus plus tard dans la soirée pour le repas.
Nous rions en famille, car cette invitation répond aux aspirations du moment de tous les membres de la famille. Estelle a besoin de repos et d’un peu de confort, moi de tranquillité, Léon a envie d’un peu de luxe et Lucie rêve de belles choses.
Le repas est excellent et nous lui faisons honneur. Nous sommes honorés et réjouis, mais légèrement mal à l’aise d’être à cette place qui n’est pas la nôtre habituellement.
Nous profitons néanmoins pleinement de notre chance et notamment de la salle de bain sophistiquée et des grands lits.