Rize. Le thé est partout. Les montagnes environnantes en sont couvertes. Camelia sinensis, le camélia chinois ou théier a été implanté ici il y a plus d’un siècle et il se plait bien.
Alors certes, on parle à tout va du café turc, café turc par-ci, café turc par-là, mais en Turquie, tout le monde boit du thé turc, pas tellement de café. Et même parfois, lorsque l’on demande un café, on se retrouve avec une poudre de café lyophilisée vendue à un prix proche de la truffe. Autant boire du thé local en effet. D’ailleurs, du côté hellène, ils appellent ça du café grec.
Je ne suis pas un buveur de thé, mais j’avoue que je suis totalement sous le charme du çai turc. Tout va bien. Tout est comme ça devrait être. La théière à deux étages, en bas pour faire bouillir l’eau, en haut pour faire infuser le thé qui reste au chaud, le verre en forme de tulipe à faire pâlir un amateur de whisky, la convivialité, avec sucre, sans sucre, pas de jugement à ce sujet, plus ou moins dilué, c’est comme tu veux, tu ne seras pas taxé de mauvais goût, simplement, bois un thé avec moi mon ami.
Je dis tout me va bien, mais en fait, avec mon petit point de vue occidental, il me manque quelque-chose dans les salons de thé, c’est la mixité. Il me manque tout de même une petite moitié de l’humanité à ces terrasses ombragées et accueillantes. Cette moitié, nous avons grand plaisir à partager le thé avec elle lorsque nous sommes invités dans les maisons.
Toujours est-il que le thé est bien la boisson nationale de la Turquie. Et il est produit ici-même, à Rize. Car le théier a besoin d’eau, et de l’eau, il en tombe bien assez du ciel dans le coin. C’est d’ailleurs ce climat breton qui nous attire vers la côte de la mer Noire. L’été caniculaire convient peu aux voyageurs à vélo que nous sommes. Les enfants sont très sensibles à la chaleur et pédaler devient un enfer.
On fait un tour dans la tour
Arrivés à Rize plus tôt que prévu, j’ai envoyé un message à Hassan. Hassan est un ami de Semra. Elle l’a prévenu que nous passerions le voir et c’est maintenant. J’ai envoyé un message hier, pas de réponse, j’appelle en croisant les doigts… hello my friend!
Formidable !
Notre agenda est totalement synchronisé puisqu’Hassan revient tout juste de Paris. Il y a assisté au salon international du thé pour parler… du thé turc, bien sûr !
Nous le rencontrons à la tour du thé, immeuble érigé en bord de mer, au pied des montagnes, pour promouvoir le thé et les merveilles locales. Il est, comme il se doit, en forme de verre à thé. À son pied se trouvent des boutiques vendant principalement du thé et des témoignages de la culture locale.
Hassan nous accueille dans son beau bureau avant de nous emmener faire le tour du propriétaire. Non pas qu’il soit propriétaire des lieux, mais il en est le directeur général. Il est très jovial et pétillant d’idées, il adore faire des photos et son boulot est désormais de promouvoir le thé turc à l’international. Cette tour du thé est infusée de sa présence, les magnifiques photos de la région et de ses habitants qui sont exposées dans la tour sont majoritairement de lui.
Nous pouvons ainsi admirer la meule à maïs, qui était la culture principale avant l’implantation du thé, les nalia ou serender, granges en bois qui font écho aux kozolec ou toplar slovènes, les merveilleuses calligraphies sur papier encré, les photos et le film immersif en 3D vantant les mérites de la région et relatant l’histoire du thé.
On peut dire qu’on est gâthé.
Le thé ne nécessite pas de traitements, c’est tout bio, il reste vert toute l’année, sa culture est très dense, les montagnes restent donc vertes toute l’année, sauf quand il neige. Aussi, le thé turc n’est-il cultivé qu’en été, en hiver, il se repose. Ce qui en fait, selon Hassan, un des meilleurs thé du monde. Allez manger un pide ou un lahmacun dans le restaurant turc près de chez vous, sans doute aurez-vous droit à un petit verre de thé…
Pause plage
Nous laissons Hassan reprendre sa vie professionnelle après nous avoir offert de son précieux temps. Cette visite VIP nous a fait l’effet d’un feu d’artifice et après la courte nuit, nous avons besoin de repos. Alors, c’est direction la plage ! Quelques kilomètres et nous voilà au bord de la mer sur une plage de sable où nous pouvons poser la tente. La côte ici n’est pas du tout aménagée pour les baigneurs et cette petite plage privée nous conviendra parfaitement pour remettre nos idées dans l’ordre. Les enfants à l’eau, les parents sur les chaises longues à réfléchir à la suite. C’est que l’on est tout chamboulé d’être arrivés ici si vite. Le changement de paysage est brutal et nous n’avons pas pu pédaler dans les hauts plateaux comme initialement prévu. La montagne nous manque.