Nous avons repéré un endroit sur la carte où nous pourrions poser la tente non loin de la mer… mais comme à chaque fois, rien n’est sûr tant que nous ne sommes pas arrivés.
Les chemins indiqués ne passent parfois pas avec nos vélos ou ne sont tout simplement plus d’actualité.
Nous nous y dirigeons et subissons la sortie de Batoumi qui est infernale. La route est très passante, étroite et nous n’avons pas de visibilité. Nous choisissons, au vu du frôlement des voitures, de mettre pieds à terre et d’avancer sur la voie opposée. Avec la pluie qui est de retour, nous sommes trempés.

Dans l’ après midi nous atteignons Chakvi. Marc part en éclaireur. Nous sommes tout proche de la ville, d’un parc, ce que nous n’affectionnons pas pour camper, les nuits pouvant être agitées. Définitivement nous préférons les grands espaces et les lieux de nature pour nous poser.
Deux personnes observent les vélos. Je les salue et leur explique notre voyage, que nous cherchons un endroit pour poser notre tente. Zviade et sa femme nous proposent de nous emmener dans un abri. Je ne comprends pas trop et me tiens prête à refuser d’autant que Marc revient en disant que le point repéré est ok.
Mais Zviade insiste et emmène Marc en voiture pour lui montrer l’endroit. Cela peut parfois être délicat car la conception du « mieux » reste très subjective. On peut ainsi se retrouver à l’abri mais dans un endroit peu reposant pour de multiples raisons.
Ils ont tellement eu raison d’insister ! Ils nous proposent un hangar gigantesque pour que l’on puisse se mettre à l’abri le temps que l’on souhaite. Zviade entrepose dans ce lieu des camions grue achetés en Allemagne ou en Pologne et aménage l’endroit. Il y a même réalisé un coin bar original. Personne ne l’utilise vraiment pour le moment. Ils nous permettent ainsi, pendant plusieurs jours, de camper à l’abri de la pluie le temps d’envisager la suite.
Vie de ville
C’est très plaisant de s’arrêter ici, le lieu est calme, juste à côté du petit centre où se côtoient moult marchands, ce qui me permet de faire les courses tous les jours et de profiter de la profusion de myrtilles que l’on y trouve. On y déguste aussi pour la première fois les fruits secs enrobés de mélasse de fruit qui pendent partout dans les échoppes. Les cuirs de fruits que l’on trouve très facilement avaient déjà fait notre bonheur de cyclistes.
Nous testons LA sauce de Géorgie, la tkemali, que l’on peut trouver verte ou rouge, l’ingrédient principal étant une petit prune utilisée encore verte ou mure. Ils y ajoutent beaucoup d’aromates notamment de la menthe, de la coriandre et de l’aneth ainsi que des épices la rendant plus ou moins piquante.
Nous découvrons un petit restaurant / café très charmant où nous prenons places tous les jours pour un café et la boisson des enfants, appelée ici « homemade kompote », que l’on trouve partout y compris chez les habitants. Il s’agit en fait de mettre des fruits à bouillir dans de l’eau et un peu de sucre puis, une fois froid, mettre le tout en bouteille. Un peu comme nos fruits au sirop en plus liquide et moins sucré.
Nous y sommes accueillis de façon incroyable dès le premier jour. Alors que nous venions juste prendre un café et « kompote », les enfants, voyant inscrit « gaufres françaises » sur le menu, nous font les yeux doux. Allez, c’est parti pour une gaufre à se partager. On sort juste de table et ils n’ont plus vraiment faim mais la gourmandise leur va si bien ! Et cette gaufre est énorme ! Mais quelques instants plus tard c’est une deuxième qui arrive puis une troisième pour nous, adultes ! Sans parler des verres de kompote qui se remplissent au passage… incroyable.
Un autre jour c’est une salade qui nous est apportée, sans raison apparente. Ce lieu nous donne le sentiment d’être à la maison et nous y venons chaque jour pour travailler un peu et recharger les appareils électriques. Une fois de plus nous sommes touchés par cette générosité, cette joie d’offrir, sans attente de retour.
Dans les bois
Bien que le temps soit à la pluie nous décidons de monter jusqu’au parc Mtirala, juste derrière nous. La route s’y termine mais nous prévoyons de nous y arrêter avant la fin car le dénivelé est important : 800 mètres de D+ sur seulement 13 km. La route est magnifique, cela nous fait un bien fou de rouler sur cette route déserte, serpentant entre rivière et bois.
Nous nous sentons galvanisés, nourris par cette nature vivante et luxuriante. Cela nous porte tant que même si les derniers km commencent à nous faire ressentir un peu de fatigue, nous allons tout au bout. Le lendemain nous partons randonner grâce au sac à dos que Zviade nous a donné, vers un petit bassin dans lequel seul Marc réussira vraiment à nager ! Leon et moi nous immergeons en entier mais ne gardons pas le haut du corps dans l’eau et Lucie peine à entrer pleinement.
Qu’importe, cela nous fait du bien. Nous retrouvons les plaisirs de l’eau fraîche. Les enfants n’étaient pas enchantés à l’idée d’aller dans les rivières « mais l’eau va être super froide ! On ne pourra pas se baigner » mais en définitive ils retrouvent le plaisir de ces baignades.
Il faut dire que la mer oscille plus tôt entre 23 et 25 degrés, alors forcément, la différence est rude de prime abord ! Nous filons ensuite vers la cascade. Le chemin est bien plus accidenté que nous le pensions et nos jambes sont mises à rudes épreuves ! La marche ne fait pas travailler les mêmes muscles que le vélo.
Nous commençons l’ascension du col dans l’idée de nous rendre au refuge pour prendre le déjeuner. La pluie est de retour et la distance à parcourir encore est courte mais le chemin monte raide jusqu’en haut. Nous devons parcourir encore 850m de D+ sur 4 km. Plus que 3 km à parcourir et encore 600 mètre de dénivelé quand il nous semble entendre gronder l’orage au loin. Nous interrogeons les enfants pour la seconde fois. « C’est bon pour vous , on continue ? » , « Il reste combien ? Moi je préfère qu’on s’arrête, je le sens pas, surtout si la pluie augmente ».
Si jamais Lucie a besoin d’aide je ne pourrai pas l’accompagner ce serait trop dangereux. Mes chaussures sont cassées et mon pied glisse constamment dedans avec la pluie, finalement, non, ce n’est pas une bonne idée. Une partie d’entre nous est frustrée car nous sommes si proche du but mais une fois de plus le chemin nous invite à reconnaître nos limites et à les accepter.
Lucie nous aide beaucoup car nous sentons que, même si elle est en mesure de fournir cet effort qui lui coûte, elle ne se sent pas de poursuivre et ne sent pas le lieu vers lequel on se dirige « ça va pas être bien là haut je le sens pas du tout ». C’est donc reparti pour la descente.
Au hangar
Le lendemain matin nous levons le camp pour retourner au hangar de Zviade dans lequel nous avions laissé quelques affaires histoire de nous alléger un peu. Le souvenir de l’aller nous fait un peu appréhender les pentes raides que nous avions descendues et que nous allons maintenant devoir monter. Mais nous nous apercevons vite qu’elles nous avaient parues grandes car nous montions énormément ! C’est donc euphoriques et avec l’impression de voler que nous parcourons très rapidement le chemin du retour.
Cette famille est incroyable de générosité et nous prenons un grand plaisir à les rencontrer à plusieurs reprises. Les filles, Elisabeta et Vanda, parlent très bien anglais et l’une d’elle vient de passer son examen d’entrée sur le territoire allemand pour y être jeune fille au pair. Elle fait de la danse traditionnelle Géorgienne et nous initie un petit temps, avant une démonstration dans le hangar, nous laissant surpris par ce mélange de rythmes soutenus et micro-mouvements, notamment au niveau des mains, me faisant penser aux danses indonésiennes.
Botanique et mer
Notre séjour à Chakvi est également l’occasion de nous baigner dans la mer toute proche, lorsqu’elle est calme. Et nous pouvons visiter le magnifique jardin botanique que nous avions dû contourner en venant de Batumi. Dans ce climat subtropical, la végétation est foisonnante, luxuriante, certains arbres sont immenses et nous n’avons pas suffisamment de temps pour pouvoir explorer ce lieu qui nous donne envie de nous perdre.