La fête s’est tue dans le restaurant proche. Elle ne nous a pas empêchés de nous endormir. Si nous avions été en meilleure forme, j’aurais accepté l’invitation des fêtards à venir boire un verre alors que les enfants mangent une tranche du gâteau d’anniversaire offert par le papa du copain avec lequel ils jouaient. L’ambiance est tellement bon enfant !

Mais voilà, la nuit est bien avancée, je dors profondément et un léger bruissement me réveille soudain. Je suis aux abois. J’entends le souffle, sans doute glacial, du malfaiteur qui est en train de fouiller dans nos affaires. Je me redresse, sors de la tente rapidement pour confondre l’importun et me retrouve face à de nombreux sujets. Ils sont pris la main dans le sac mais aurai-je le dessus ? Je m’arme d’un bâton que je ramasse subitement à terre, tente de retirer le sac de prunes offert par les copains du jour du muffle dégoulinant de jus…
C’est trop tard pour les prunes, elles ont été englouties ! Je me précipite pour tirer le bout de serviette en cours de mastication, gluant de bave, range sans coup férir le linge encore étendu en tentant d’écarter les monstres toujours attirés par les affaires suspendues sur l’étendage.
Beaucoup plus nombreux que moi, seul, dois-je réveiller Estelle pour venir en renfort ? Réussirai-je à éloigner les agresseurs nocturnes ? Saurai-je défendre l’honneur des bipèdes face à cette horde de quadrupèdes ? Oui, il me faut absolument montrer à la lune qu’un homme, même seul, ne renonce pas et sait défendre sa famille !
Petit à petit, je reprends du terrain, je joue un jeu de go virtuel, laissant un avantage factice à l’adversaire pour mieux regagner l’espace. Un peu en avant, un peu en arrière, sur le côté, je joue des moulinets pour regrouper les fautifs et pouvoir les chasser d’un coup. Ils sont massifs, mais j’ai l’avantage des bras et des outils.
Les visiteuses intempestives finissent par céder la place et aller voir plus loin si l’herbe est plus verte. La serviette n’est manifestement pas à leur goût et il n’y a de toute manière plus de prune. Alors à quoi bon rester ici ?
Harassé par ce combat sans pitié, je prends néanmoins le temps de rassembler les affaires blessées et éparpillées, compte les pertes, bande les blessures, sécurise les survivants. Puis je retourne me coucher. Nous y verrons plus clair demain, mais il faudra être plus vigilants à l’avenir pour éviter les incursions bovines.
Canyon
Au matin, une petite remise en ordre est nécessaire. À la lumière du jour, l’acrimonie a disparu et je me met à la lessive des affaires mastiquées. Puis nous rangeons le camp et le levons. Direction le canyon de Martvili tout proche.
Mais le canyon ne nous attire pas, en raison de l’infrastructure touristique qui le coiffe avec son lot de voitures et de groupes à la queue leu-leu pour descendre casqués déambuler sur quelques mètres de rivières. Quand bien même ces mètres sont très beaux, cela nous ôte l’envie de les voir. Alors nous poursuivons la route en direction de l’auberge dans laquelle nous allons passer une semaine afin que je puisse travailler tranquillement sur mon ordinateur.
Arrivés à l’entrée de la petite route qui mène à Balda, voilà qu’il s’agit d’un chemin bien caillouteux. Il ne nous reste que cinq ou six kilomètres, mais ils sont bien longs et fatigants ! Nous voilà enfin face à la charmante auberge, perdue entre montagne et rivière, l’endroit sera parfait pour nous. Nous posons nos affaires et avons le temps d’aller explorer la magnifique et toute proche rivière où nous pourrons nager et sauter dans l’eau fraîche. Parfait.