Montagne rouge

Vacances laborieuses

Écrit par Marc pour le .

Nous sommes en effet dans un “workaway”. Il s’agit pour nous de rester une ou deux semaines dans cette maison à წითელმთა (Tsitelmta, littéralement montagne rouge), à côté de ოზურგეთი (Ozourguéti).

Ici sont accueillis toute l’année des volontaires via le site workaway.info pour aider à la construction de la maison de Nino, Noel et leurs 5 enfants. En échange du gîte et du couvert, nous allons travailler 5 heures par jour, 5 jours par semaine, dans une ambiance très agréable et détendue et en anglais.

Plaques de plâtre, isolation à la laine de mouton, enduits à la chaux, nous sommes habitués à ce genre de travaux puisque nous les avons pratiqués chez nous et notre expérience semble bien appréciée. Les enfants, pendant ce temps, peuvent profiter de les forêts de bambous ou de noisetiers et des rivières présentes dans cet immense jardin paisible et magnifique. Ils peuvent également jouer avec les enfants de Nino et Noel ou échanger avec les autres volontaires.

Maison de famille

La mère de Nino, Lika, ainsi que sa grand-mère habitent également ici, dans la vieille maison de famille qui est restaurée avec beaucoup de goût. Lika a mis en place ici le premier tour de découverte du thé Géorgien. Une promenade historique, gustative et pratique qui permet de comprendre et découvrir la culture du thé en Géorgie.

L’ouest de la Géorgie produisait et fournissait le thé pour toute l’Union Soviétique, c’était un “marché” gigantesque, de l’Allemagne à la Sibérie. Le thé avait été implanté ici dans la deuxième moitié du XIXè siècle et à l’époque soviétique, la culture s’est intensifiée et industrialisée afin de pouvoir fournir du thé à toutes les républiques.

Le premier institut du thé a été créé dans le village où nous nous trouvons et c’est là que travaillait la mère de Lika comme scientifique. Au moins un membre de chaque famille et parfois toute la famille avait un travail en lien avec cette culture. Des étudiants du monde entier venaient ici pour se former.

Effondrement

Au moment de l’indépendance de la Géorgie du bloc soviétique, Lika vivait à Tbilisi avec son mari et ses deux filles en bas âge. En réponse à cette indépendance, la Russie a coupé d’un seul coup le gaz et l’électricité. Il faisait très froid et la Géorgie devait repartir pratiquement de zéro. Allumer un feu sur le balcon, faire chauffer de l’eau pour le thé puis réfléchir… Bien des années plus tard, Lika revient s’installer dans la maison familiale. La monoculture du thé a disparu, faute de marché, mais le savoir est toujours là. Dans sa maison d’hôtes, Lika accueille des étrangers, mais personne ne sait que le thé peut pousser ici, et qu’il s’y plait bien. Pour les habitants de la région, c’est une évidence, pour les étrangers, c’est totalement impossible. Lika se fait alors un devoir de préserver et partager l’histoire de cette culture et de sa famille.

La Géorgie table désormais sur la qualité et non plus sur la quantité et la petite cueillette que nous avons faite nous permet de bien le comprendre. Nous effectuons un ramassage délicat des dernières pousses quand une culture intensive ne va pas faire la distinction. Puis nous apprenons à préparer le thé vert, le thé noir, le thé blanc. Comment démarrer la fermentation du thé noir, comment chauffer les feuilles fraîches pour le thé vert, comment trier patiemment et délicatement la toute dernière pousse après séchage pour le thé blanc.

L’histoire du thé Géorgien est l’histoire d’un effondrement et d’une renaissance patiente, humble et laborieuse. Lika a su trouver une voie étroite pour éviter que tout ce savoir s’évapore et elle le fait avec beaucoup de talent et de passion.

Micro-histoire

Après une soirée musicale à jouer et chanter du jazz, des chansons française ou états-uniennes avec Noel et Emil, beau-fils et petit-fils de Lika, elle me raconte l’histoire de sa famille et notamment de son grand-père maternel. Je suis estomaqué. Opposant politique à l’époque tsariste, il a été déporté pendant 10 ans. À son retour, il est suspect d’avoir été déporté, alors il est déporté à nouveau pendant pas loin de dix ans à l’époque soviétique. Puis, une fois encore, parce que… pourquoi pas. En définitive, il aura “visité” un nombre incroyable de kolkhozes en 27 ans. Après tout ce temps, il a pu enfin continuer sa vie dans son village et avec sa famille, dont sa fille qu’il n’a rencontrée qu’à 10 ans.

Une pièce de théâtre a été crée pour raconter son histoire.


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