Quitter უდაბნო (Udabno) signifie grimper un bon morceau. On ne peut pas dire que les enfants étaient particulièrement motivés par les montées ces derniers temps, mais ce matin, ça va. Et ça va même bien. Ils trouvent des jeux, des motivations et même du plaisir à gravir cette côte.
Au sommet, nous pouvons voir au loin les grandes villes alentours comme თბილისი (Tbilisi) ou რუსთავი (Rustavi) et ses cheminées d’usines. De l’autre côté de la montagne, nous plongeons vers un lac à la couleur étrange. Nous posons les vélos et nous rapprochons du lac. Il est salé ! Le sel blanchit la boue plus ou moins séchée. Ça craque quand on marche. La mer venait jusqu’ici il y a bien longtemps…
Encore une petite côte et nous reprenons la longue descente. Notre itinéraire nous fait couper par une route qui se transforme en chemin. Nous suivons patiemment et avec plaisir un grand troupeau de moutons avant de poser la tente dans un champ proche de la rivière.
Changement de calibre
La matin nous permet de finir le chemin qui nous mène au pied d’un chantier d’autoroute. Les camions passent à toute vitesse dans le chemin poussiéreux que nous sommes sensés emprunter. Une voiture anglophone s’arrête et nous indique qu’il vaut bien mieux monter sur la route en construction, elle nous mènera à bon port. Alors, nous montons sur cette autoroute totalement vide mais déjà asphaltée. C’est très plaisant cette piste cyclable de luxe. Nous roulons sur la voie de gauche, Léon et moi zigzaguons même juste pour le plaisir.
Nous retrouvons ensuite notre itinéraire prévu pour le jour. Aïe, ça circule vraiment fort et pas d’échappatoire, la journée va être rude. Nous roulons sur le bas-côté lorsque c’est possible, subissant la circulation, les camions et voitures nous frôlant, le bruit, le stress.
Lorsque nous quittons enfin la route principale, c’est un soulagement pour tous. Ne reste qu’à trouver où mettre la tente, ce sera à proximité du monument à la gloire du tracteur.
Allons prendre l’aire
Nous évoluons dans un paysage magnifique et bien plus calme qu’hier. Vallonné, boisé, le temps est encore superbe. Cet automne nous étonne. Lors de la pause de midi, nous sommes approchés par deux jeunes filles. Elles sont très curieuses et on très envie de nous parler en anglais. Elles finissent par nous inviter à boire un café chez leur mère qui nous accueille avec beaucoup de gentillesse.
Nous resterions bien plus longtemps, mais nous avons encore de la route à faire pour arriver à Dedoplitskaro. C’est que nous avons prévu de dormir plus ou moins dans le canyon de l’aigle. Encore faut-il trouver le bon endroit avant la nuit.
Ce qui se fait, à proximité de la maison des gardes et entrée du parc. Dans un vallon au pied d’une falaise impressionnante. Personne, quel calme. Demain, nous irons rendre visite aux aigles.
Gare au loup
Mais une fois la nuit tombée, ce n’est pas l’aigle qui nous rend visite. Nous sommes endormis. Estelle se réveille subitement en sursaut et en état de stress. Elle tend l’oreille, rien. Puis un bruit de pattes qui vient faire le tour de la tente, un grognement sourd. Ce n’est clairement pas un chien, ce n’est clairement pas un ours, ce n’est clairement pas un sanglier, c’est le loup, elle en est sûre. Il vient voir qui s’est permis de venir sur son territoire. Estelle resent sa puissance, son énergie, elle est en alerte, ne pas bouger, ne pas faire de bruit.
Puis il s’en va et d’un coup, la tension disparaît. Estelle peut se rendormir, un grand sourire aux lèvres d’avoir pu vivre cette expérience inédite.
Rivière de plastique
Le canyon de l’aigle est époustouflant. Nous démarrons sa visite par nous enfoncer dans le canyon en suivant la rivière. L’endroit est magnifique et nous évoluons en empruntant les cordes et échelles qui permettent de progresser dans le défilé rocheux.
Je suis émerveillé mais une profonde tristesse me prend lorsque je me rends compte de l’état de la rivière. Elle sert d’égouts pour la petite ville qui la domine, les bassines magnifiques sont remplies de bouteilles de plastique et de déchets en tous genres. Je ne suis pas le seul à ressentir ce malaise profond, cette tristesse. Alors nous prenons tous les quatre le temps de méditer dans cet endroit exceptionnel. Pour ne pas rester bloqués dans nos diverses émotions, de tristesse ou de colère, mais pour tenter de les transformer, de les transfigurer et de s’ouvrir à la beauté plutôt que de se repaître de ce qui est laid. Pour invoquer le changement plutôt que de blâmer.
Rendez-vous avec les aigles
Nous sortons du canyon pour gravir la falaise. La vue est époustouflante. Puis nous nous arrêtons en haut et appelons les aigles en silence. Au loin, sur la falaise de l’autre côté du canyon, nous apercevons des petites taches qui volent. Nous n’avons pas de jumelles, mais ce sont peut-être les aigles qui nous font coucou.
Nous poursuivons la magnifique promenade et redescendons vers notre lieu de camp. Pas de loup cette nuit, bonne nuit.